Je ne redéfinirai pas ici l'acte rééducatif ni les bases sur lesquelles il repose....Je vous renvoie pour cela:
- à quelques articles très intéressants:
l'article de Patrice Nagel " façonne moi une rééducation "
le texte de Daniel Calin " le travail psychique en rééducation "
le texte de Ludovic Cadeau " la rééducation ou "l'éternité du précaire""
Le texte de Daniel Calin " la relation d'aide "
- au diaporama PPT "la rééducation contre l'école, tout contre" de Félix Gentili
- à quelques citations d'auteurs reconnus...
- aux différents documents proposés.....
Vous trouverez, dans cette page, non pas des rapports d' expériences concrètes, des exposés de suivis rééducatifs ou des pistes de travail mais tout simplement une présentation de ma manière de fonctionner et des principes auxquels je me réfère pour mener à bien mon travail dans le respect des missions qui me sont assignées et des enfants qui me sont confiés..
En tant que maître G, j'appartiens à une antenne de réseau qui couvre 11 écoles regroupant environ 2000 élèves. Il va sans dire que la demande dépasse de loin les possibilités d'intervention du réseau et que nous sommes donc, chaque année, obligés de faire des choix.
C'est ainsi qu'après analyse des demandes et étude des besoins en synthèse de réseau, j' interviens, selon les années, sur quelques écoles qui concentrent beaucoup d'enfants en difficulté. L 'une d' entre elles, par exemple, accueille des enfants de milieu très défavorisé, et j'ai proposé à l'équipe, en concertation avec les maîtresses, de mettre en place une action de prévention langage.
Mon travail s'articule donc de façon effective sur les deux volets rééducatifs que sont la prévention et la remédiation. (cf circulaire 113).
La prévention:
Le constat dressé lors du conseil de cycle sur les difficultés langagières dans cette école maternelle de......., réclamait une intervention du réseau. J'ai donc organisé des ateliers de langage pour tous les enfants de MS et de GS de l'école, soit 35 enfants. J'ai constitué, en partenariat avec les maîtresses, des groupes de travail que j'ai souhaités hétérogènes, mélangeant donc à la fois les tranches d'âge et les niveaux de compétences langagières. C'est ainsi que j'ai obtenu 5 groupes de 7 enfants. Je prends chacun de ces groupes chaque semaine sur un créneau horaire fixe et utilise des supports divers et variés parmi lesquels l'album occupe, il est vrai, une place de choix. Le vécu, les lectures d'images, les contes, le chant, les comptines, les poèmes, les jeux, la pâte à modeler.... permettent d'autres approches.
J'ai également mené des actions
de prévention contre la violence en travaillant sur la cohésion
du groupe-classe par la médiation des ateliers
philo en CM2, CM1 et en GS. En fait, ces ateliers philo peuvent être
proposés à tous les niveaux de scolarité. Personnellement,
je procède différemment selon que j’interviens en maternelle
ou en école élémentaire. Pour des MS ou des GS, j’introduis
le sujet de réflexion par un album au cours d’une première
séance. Travail classique autour de l’album, à partir de
la couverture, prise d'indices, hypothèses, lecture, échanges,
dessin…Lors de la deuxième séance, le dispositif change
totalement marquant ainsi clairement la différence d’activité:
les enfants sont disposés en cercle, assis sur des chaises, et répondent
à une question directement liée au thème de l’album.
Ex : l’album « histoire du petit garçon qui était
une fille » me permettra de traiter le sujet : "une fille et un garçon
est-ce que c’est pareil ?". Les réponses sont enregistrées
puis réécoutées selon la procédure classique…
Avec des élèves plus grands par contre, les sujets sont traités
directement selon les modalités définies par J.
Lévine. Très vite, les enfants sont capables de proposer eux-mêmes
des sujets. J’ai été époustouflé lorsque,
après trois ou quatre séances d'atelier philo, des enfants de
CM1 m’ont proposé des sujets tels que : pourquoi a-t-on un
nom ?, grandir, vieillir, mourir, ou encore pourquoi est-on
différent ? Le sérieux avec lequel les élèves
abordent l'atelier, l'engouement que ce dernier suscite, et les résultats
obtenus, confirment s'il en était besoin l'intérêt d'une
telle démarche (cf graphique
évaluation formatrice)
Je mène également une autre action de prévention qui s'inscrit dans le cadre de la liaison GS/CP. Durant le mois de juin, je propose chaque année aux enseignants une action qui consiste à mettre en présence un groupe de 7 ou 8 élèves de grande section avec deux ou trois enfants du CP. Ces derniers viennent avec leur cartable. La disposition est importante. Les enfants de GS sont installés sur des chaises disposées en arc de cercle tandis que les enfants du CP sont assis en face sur des chaises alignées. Une situation langagière vraie s'établit d'abord sous forme de questions/réponses puis de façon plus souple. Les enfants de maternelle peuvent effectivement poser directement des questions sur des sujets qui les intéressent, qui les intriguent, qui les inquiètent par rapport à leur passage en CP et à leur changement d'école. Certains, par exemple, se renseignent sur la maîtresse, d'autres sur la cantine, d'autres encore sur le travail en classe...ou sur la façon dont ça se passe dans la cour....Ils peuvent également dire leur impatience à venir à la grande école ou au contraire laisser apparaître, voire verbaliser, leur inquiétude... Le maître G est là pour reformuler les craintes, approfondir les choses et faire émerger des réponses de la part des enfants du CP. Ces derniers, de leur côté, sont très fiers de montrer tout ce qu'ils ont appris....Ils lisent devant leur "auditoire" une poésie ou un petit texte...et montrent le contenu de leur cartable en expliquant chaque fois l'utilisation des divers cahiers, livres et outils qui s'y trouvent. Au cours de la discussion, les enfants de GS perçoivent la continuité et les ruptures entre les deux classes, les deux écoles...Ils notent par exemple (et le clament d'ailleurs bien haut) que eux aussi ont commencé à apprendre à écrire avec leur maîtresse, qu'ils connaissent des mots, qu'ils savent compter....Le fait de renouveler ce travail d'une année sur l'autre permet aux enfants de se retrouver l'année d'après en CP "de l'autre côté de la barrière" pour assumer à leur tour leur rôle de "grands" et de mesurer ainsi le chemin parcouru....Ce travail bien entendu pourrait être mené par les enseignants eux-mêmes.....En début d'année scolaire, la deuxième partie du travail consiste à créer des groupes avec les CP pour organiser des situations langagières autour du thème "pourquoi je viens à l'école? A quoi ça sert d'apprendre? Grandir?..." qui rejoignent directement les ateliers philo dont j'ai parlé plus haut.
Pour mes actions de prévention, je n'ai pas besoin
d'autorisation parentale dans la mesure où je suis un enseignant qui
intervient avec la totalité des élèves de la classe.
Mon action s'inscrit donc dans les activités obligatoires. Toutefois,
dans un souci de transparence et de respect des parents, j' informe toujours
les familles par un
petit mot qui précise les modalités et les objectifs de
mon intervention.
La remédiation
Selon la problématique de l'enfant, j'opte pour la mise en place d'une rééducation individuelle ou d'une rééducation en groupe.
Mes créneaux durent 35 minutes pour les prises en charge individuelles et 45 minutes pour les prises en charge collectives. En fait, je pense que ces dernières gagneraient à durer 10 minutes de plus. Toutes les séances se déroulent systématiquement en trois phases : les 10 premières minutes permettent d'effectuer les rituels et de donner un temps de parole au groupe, à chaque enfant. Les 25 minutes suivantes sont consacrées à l'activité proprement dite. Enfin, la séance se termine sur une phase de symbolisation d'une dizaine de minutes. J'utilise une pendule sur laquelle, en début de séance, les trois phases sont matérialisées à l'aide de pâte à modeler. Un petit panneau est apposé à la porte pour signaler qu'une séance est en cours, et les règles de la salle sont affichées à hauteur des enfants; Tout cela participe au cadre dont on sait qu'il assure une fonction structurante liée au fait qu'il permet à l'enfant d'intérioriser les limites et de se confronter au principe de réalité. Je sais que c'est gràce à lui et à la relation ajustée que je vais être capable d'établir avec l'enfant que le processus rééducatif pourra avoir lieu. Je vais, comme le dit J.Lévine, faire "alliance" avec lui pour lui permettre d'avancer, de retrouver l'estime de soi, de prendre ou de reprendre confiance en lui, de trouver sa place en l'accompagant dans le travail qu'il va faire, en lui proposant quelque chose de "suffisamment autre" pour qu'il puisse changer peu à peu son rapport au monde en général et au monde scolaire en particulier. Pour cela, nul n'est besoin que je comprenne tout ce qui se passe et ne nous y trompons pas, c'est bien là que se situe ma place, dans cet espace de non maîtrise, dans ce paradoxe qui me permet d'agir "sans ne rien faire".
J'effectue toujours 3, voire 4 séances préalables, après avoir obtenu l'accord des parents, pour connaître les enfants et m'assurer que l'indication de rééducation est bien pertinente. Ces dernières me permettent aussi, en ce qui concerne les séances collectives, d'apprécier la pertinence de la composition du groupe. La rééducation proprement dite commence ensuite avec une programmation de 15 séances, à raison d'une séance par semaine. Personnellement, je mets en place un contrat de rééducation que les enfants signent lorsqu'ils me confirment leur désir de d'effectuer le "travail" rééducatif. Dans une approche systémique, il implique à la fois l'enseignant, la famille, le rééducateur et l'enfant. Il symbolise la participation et la volonté commune de remédier aux difficultés signalées. Les enfants, quant à eux, le signent toujours avec sérieux, s'attardant sur la signature de leurs parents...C'est l'enfant qui va effectuer le plus gros du travail pour "s'auto réparer". Il me semble donc logique d'inscrire son adhésion de façon symbolique par le biais du contrat. Nous rangeons ce dernier, en tant que document important, dans la pochette du groupe. Celle-ci regroupe à la fois les productions des élèves, le calendrier du groupe, le feuillet de déroulement de la prise en charge, le tableau des "qui fait quoi?" qui nous permet de structurer les rituels, ainsi que les documents multiples concernant le groupe (mes notes, le contrat, le projet rééducatif, les entretiens avec les familles, les entretiens avec les enseignants, les évaluations...). Par contre, je préfère regrouper toutes les autorisations parentales dans un dossier spécial. J'agis de même lorsqu'il s'agit d'une rééducation individuelle.
Le suivi des prises en charge donne lieu à des échanges lors des synthèses réseau. Des réajustements peuvent être opérés. Les modalités de prise en charge peuvent être revues: un enfant qui visiblement a du mal à fonctionner dans le groupe pourra par exemple, après explications et accord de la famille et de l'enfant lui même, basculer vers une prise en charge individuelle Un enfant pourra parfois quitter un groupe (réorientation ou arrêt) ou au contraire en rejoindre un, mais tout cela nécessite beaucoup de prudence et doit être longuement travaillé...surtout pas de précipitation...
Je reçois systématiquement toutes
les familles et je leur précise qu'elles peuvent à tout moment
me demander un rendez-vous si elles en ressentent le besoin ou le désir..L’entretien
avec les familles est un moment important. Surtout le premier. Il s’agit
non seulement de récolter des informations sur l’enfant au sein
du système familial mais également de créer un lien de
confiance. Tout est important : la façon d’accueillir, la façon
de se présenter, la façon de s’installer, de parler, d’écouter,
mais également la conception que l’on a d’un tel entretien.
L’entretien idéal pour moi réunirait les deux parents, la
maîtresse, l’enfant et le rééducateur. La maîtresse
viendrait en début d’entretien expliquer les problèmes qu’elle
rencontre ou qu’elle perçoit chez l’enfant puis nous laisserait.
Je poursuivrais alors l’entrevue seul avec les parents en présence
de l’enfant qui aurait le choix de participer ou de vaquer à d'autres
occupations (ce qui n'empêche nullement l'écoute). Cette procédure
permettrait d’éviter tout malentendu, placerait tous les acteurs
dans un discours clair, et garantirait à l’enfant que rien de ce
qui le concerne ne se dit dans son dos. « Tout ce
qui est dit de l'enfant devrait pouvoir être entendu par lui. La meilleure
façon d'appliquer cette idée est de recevoir les parents en sa
présence » (Barat)
Bien sûr, dans la réalité de tous les jours, on sait bien
qu’il n’est pas possible d’agir souvent de la sorte. En ce
qui me concerne, j’essaie au minimum d’obtenir un rendez-vous (ce
qui déjà n’est déjà pas toujours évident)
et je propose à l’enfant d' assister à l'entretien. Il est
vrai que ces rendez-vous me prennent beaucoup de temps, mais la réussite
de l’acte rééducatif nécessite la reconnaissance
de la place et de la fonction éducative des parents. Prendre le temps
de les recevoir, c'est leur en donner acte, même si je suis contraint
d' échelonner le tout souvent jusqu'en février alors qu'il serait
plus intéressant et plus logique de les rencontrer avant même de
commencer la rééducation.
Pendant l'entretien, je veille toujours à ne pas me montrer intrusif, à rester simplement en attente de ce que les parents veulent bien me dire. « Ni conseilleur, ni thérapeute, un rééducateur peut rendre aux parents le plus éminent service en les aidant à redevenir actifs, en sollicitant leurs propres capacités créatrices de parents, en les aidant à s'identifier à leur enfant, de sorte que, le cas échéant, ils éprouvent un jour, peut-être, le désir d'aller plus loin... ailleurs. » Barat
Par ailleurs, je veille à rester en contact étroit avec les enseignants, que ce soit dans ce que René Roussillon appelle " l'espace interstitiel" ou par le biais des réunions prévues à cet effet (conseil de cycle, évaluation externe)
De nombreux outils me permettent de gérer les relations avec les partenaires, de garder la mémoire du travail, d'organiser mon boulot ou de fonctionner au sein du RASED....
J'ai la chance de travailler dans une structure complète ce qui permet une compémentarité, un enrichissement, des analyses croisées.... L'ambiance est agréable et les synthèses hebdomadaires permettent des échanges d'informations et des suivis réguliers. Cerise sur le gâteau, mon bureau est très sympathique, bien aménagé et jouxte celui de la psychologue.
J'ai aménagé ma salle de rééducation
de manière à ce que l'espace soit, comme le temps, organisé.
3 zones sont clairement définies. La zone de parole: c'est là
que se passe le premier et le dernier temps de toute séance, la zone
d'écoute réservée à l'écoute d' un conte,
d' une histoire, d' une musique ....et la scène où se déroule
l'activité qui peut être aussi bien un jeu dramatique, qu' un jeu
de construction, un jeu à règles, un jeu moteur ou tout autre
objet de médiation.... Au début d'une rééducation
collective, j'aime bien utiliser des jeux qui présentent un aspect contenant
et renforcent la cohésion du groupe. Le "jeu du verger", par
exemple, permet d'affronter collectivement le corbeau.....Ensuite, je propose
souvent le choix alterné: une fois ce sont les enfants qui choisissent,
et une fois c'est moi. Cela me permet à la fois de me positionner par
rapport à un schéma répétitif, de jouer sur la frustration
et d'amorcer un éventuel pontage. En ce qui concerne les prises en charge
individuelles, je laisse le choix de l'objet de médiation à l'enfant,
me plaçant résolument dans une attitude d'accompagnement. A moi
de percevoir à quel moment il sera judicieux d'introduire un peu de frustration,
de créer "la brèche" dont nous parle Jeannine Duval
Héraudet....