"L’origine du jeu d’échecs n’a jamais été datée de façon certaine. Toutefois, une hypothèse retenue aujourd’hui est que le jeu fut créé en Inde au Vème siècle de notre ère. Une légende prétend qu’un brahmane nommé Sissa inventa le jeu pour montrer à son monarque toute la faiblesse d’un roi sans son entourage. Pour le remercier de son invention, le monarque offrit à Sissa la possibilité de choisir lui-même sa récompense ; Sissa demanda alors simplement qu’on lui remit un grain de blé sur la première case de l’échiquier, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième et ainsi de suite jusqu’à la soixante-quatrième case en doublant à chaque fois le nombre de grains. Il s’avéra que le monarque ne put jamais lui payer son dû, la quantité de grains de blé demandée représentant la somme de toutes les moissons réalisées sur la Terre pendant environ cinq mille ans !"
                                  Extrait du  mémoire de Catherine BEAUJAULT et Laurent SERRAULT

Lorsque j'étais maître formateur, j'ai personnellement utilisé le jeu d'échecs comme support pédagogique dans une classe de grande section. Le projet portait sur l'année entière et la motivation dont faisaient preuve les enfants de 5 ou 6 ans sur un si long terme m'a toujours intrigué (vous trouverez un bref aperçu de ce travail sur le site Vousnousils. Il a par ailleurs était publié en intégralité sur les 10 numéros de la classe maternelle 2003/2004) et il est désormais en ligne sur mon nouveau site "Yvan Pédago". Bien sûr, l'ancrage dans l'imaginaire d'une part, et les situations de résolution de problème que je proposais d'autre part, étaient de nature à maintenir l'intérêt. Mais je perçois aujourd'hui, à la lumière de ma nouvelle spécialité, des explications beaucoup plus profondes et beaucoup plus subtiles à ce phénomène....
Les liens ci-dessous renvoient vers la connaissance du jeu d'échecs et son usage pédagogique. En fait, je n'ai rien trouvé au niveau rééducatif, ce qui j'espère, rendra le compte rendu de séance d'autant plus intéressant.....


    Jeu d'échecs

 

 Compte rendu
  de séances


 

 


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  Jeu d'échecs pour les enfants
  L'histoire du jeu d'échecs
 
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  Qualités développées par le jeu d'échecs
 
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  Echec et mat à la violence
  Jeu d'échecs contre l'échec scolaire
 
  Sélection de sites sur les échecs
  Jeu d'échecs: éducation et formation
 
  Thèse de Michel noir: développement des habiletés cognitives


Compte rendu de séances réalisées avec cet objet de médiation:

Pour le pratiquer depuis longtemps et l’avoir utilisé en pédagogie (nous y revoilà), je pressentais que le jeu d’échecs pouvait être un objet de médiation très pertinent pour la rééducation. En plus de posséder toutes les caractéristiques du jeu à règles, il est éminemment symbolique (oserais-je dire doublement symbolique?) et permet sans nul doute d’aborder non seulement des problématiques d’ordre social en général (rapport de force, violence, conflit, conséquences de ses actes, loi du père…), des problématiques familiales (hiérarchie, place, relation au père et à la mère…), des aspects relationnels (prise en compte des actions de l’autre, adaptation de sa propre conduite à ces dernières, choix…). Il offre également des possibilités de symbolisations spatiales (positionnement, déplacements, repérage, codage…), des fonctions cognitives (anticipation, comparaison, classement, rangement, valeur, analyse et synthèse…)… etc …

Dans le cadre du choix alterné, j'ai proposé à R. l’écoute d’un conte que j’avais déjà lu quelque part mais que j'avais personnellement pas mal remanié (notamment la présence de la fée) pour introduire la symbolique du jeu d’échecs; Bien sûr, d'aucuns pourront me reprocher cet investissement personnel qui pourrait ressembler à un relent de désir de maîtrise.... Mais, je ne connaissais pas de conte relatif au jeu d'échecs, et puis...on n'est jamais si bien servi que par soi même...tout était présent dans mon conte….

« Tu aimes qu’on te raconte des histoires ? » R. n’a pas l’air très chaud, il fait la moue…
Je commence tout de même. « Il était une fois un pays….. ». R. prend une feuille et s’occupe : il trace des lettres, écrit des nombres avec beaucoup de zéros et le signe euro…. ( ?). Il fait mine de ne pas m’écouter, mais je note bien qu’à chaque passage important, il lève la tête, anticipe même, ayant perçu certains effets de rhétorique…(ex un pays tout blanc/ un château tout blanc/ des tours toutes blanches/ des soldats tout blancs…)
Plusieurs fois, j’ai la tentation de dire : « R. tu ne m’écoutes pas ! » mais je me reprends et continue, imperturbable…
L’histoire finie, je lui demande ce qu’il en pense. « C’est bien !» Apparemment, cela lui a plu.
« On peut la jouer si tu veux ? » R. est partant, il m’attribue sans hésiter le rôle du roi noir (le méchant) et prend celui du roi blanc (le gentil qui grâce à la fée Caïssa va éviter la guerre en proposant le jeu). On fixe les lieux : le château blanc, le château noir, le lieu où habite la fée…Il y a trop de personnages : je jouerai à la fois le cavalier, le fou, le roi noir et la fée Caïssa…
Et on joue. Parfois R. ne se souvient plus. J’introduis la règle du “pouce” qui nous permet, dans la réalité, de mettre les choses au point. Et nous jouons ainsi les différentes scènes du conte.
R., au début très emprunté, se prend peu à peu au jeu et s’autorise maintenant davantage à parler… Son corps par contre ne participe qu’à minima (pas de mimique, pas de jeu dans la voix, pas de gestuelle…)
Le jeu terminé, il me dit : « ce qui m’a le plus plu, c’est quand je suis allé voir la fée et qu’elle m’a aidé. » Je trouve cela intéressant car dans tout conte, comme dans toute rééducation, le processus de transformation s’effectue grâce à une aide (l’adjuvant/le rééducateur), aide nécessaire mais pas suffisante, le héros devant trouver en lui-même les ressources disponibles (restauration, auto réparation). R. me demande si on va jouer au jeu d’échecs. La pendule nous indique que nous entrons dans la phase de symbolisation : je présente à R. l’échiquier (un bel échiquier marqueté) avec le “château” blanc en place (grosses pièces en buis lestées et feutrées), ce qui permet immédiatement de nouer l’imaginaire avec le symbolique. R. reconnaît aussitôt certaines pièces (roi, cavaliers, tours), il prend plaisir à les toucher, à les manipuler. Il les déplace, remarque que certaines sont en double, que la reine et le roi sont les pièces les plus grandes….. « Et les noirs ? s’étonne-t-il. » Je lui donne les pièces en vrac, rappel du conte, et il commence à les positionner, comme dans le conte, à l’autre bout du royaume, en utilisant la technique du face à face (symétrie axiale) pour réaliser le château noir.

Lors de la séance suivante, c'est R. qui choisira de jouer avec le jeu d’échecs. C’est lui qui fixera les règles. Il proposera des combats et nous nous battrons symboliquement au dessus de l’échiquier, pièce contre pièce. R. défend âprement son château. « Qui est-ce qui gagnerait ? – C’est moi ! » Il voudra toujours être le vainqueur. Cela n’est pas sans me rappeler le conte de “Jacques et le haricot magique”, dans lequel est véhiculé le thème de la revanche, dans lequel l’ogre habite un château et dans lequel Jacques est successivement trois fois vainqueur….

A la lumière de ces deux séances, on perçoit bien que le jeu d'échecs est d'un intérêt inouï. Bien évidemment, il n'est pas question pour moi de l'utiliser dans sa fonction classique, d'en apprendre les règles, de jouer dans le game....Mais comme on peut le voir, à la lumière de ce compte rendu, de laisser R.le détourner, en faire quelque chose qui lui appartient, quelque chose qui l'aide à dire des choses,qui l'aide à les symboliser, à lier le dedans et le dehors....Je ne pense pas que cet objet de médiation soit souvent utilisé en rééducation, aussi voulais-je ici porter ce témoignage....